BARDE Edmond, François

Né au Tech (Pyrénées-Orientales) le 21 novembre 1887 ; mort à Palalda (commune d’Amélie-les-Bains-Palalda), le 19 août 1966 ; comptable à Palalda ; militant du Parti socialiste S.F.I.O. ; résistant ; premier sous-préfet de Céret à la Libération ; adjoint au maire d’Amélie-les-Bains-Palalda (1951-1953).

 

Fils d’Honoré Barde et de Rose Vilacèque, Edmond Barde avait épousé Rose Coste, connue familièrement sous le nom de "Babeth" : couturière de profession, elle confectionnait, en 1941 et en 1942, des robes pour les filles et la petite-fille de Pietro Nenni. Le couple n’eut pas d’enfant. Son neveu et homonyme nous a confié que son oncle était un « homme cultivé » qui « lisait beaucoup ». Pendant la Première Guerre mondiale, il fut mobilisé au 67e régiment d’infanterie et passa une partie des hostilités à Madagascar. Pour sa participation à ce conflit, il fut décoré de la « Croix de Guerre ». Après la Première Guerre mondiale, il s’installa à Palalda, village du Bas Vallespir qui demeura une commune autonome jusqu’à sa fusion, en 1942, avec sa grande voisine, la station thermale d’Amélie-les-Bains. Ce faisant, il ne s’éloignait pas trop de sa commune natale, Le Tech, un petit village du Haut Vallespir. À Palalda, les traditions « rouges » étaient solidement implantées depuis la IIe République. Les souvenirs des luttes des années 1870 – 1871 y demeuraient vivaces dans les années 1920 et 1930, même si le conseil municipal échappait à la gauche. Edmond Barde se confond avec « Bardes », un des dirigeants de la S.F.I.O. dans le canton d’Arles-sur-Tech, mentionné dans les archives du cabinet du préfet. Il fut sans doute secrétaire de la section socialiste de Palalda.

 

Edmond Barde devint, avant 1939, un ami du député socialiste Louis Noguères. Il était également très proche de Marcel Mayneris, originaire de Saint-Marsal, village des Aspres qui fut, entre 1935 et 1940, l’un des principaux dirigeants de la Fédération socialiste S.F.I.O. des Pyrénées-Orientales. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Edmond Barde fut un résistant actif et courageux. On peut dire qu’il fut l’une des figures de la Résistance en Vallespir. Avec

des Cérétans comme Jean Coste et Georges Figuères il fut l’un des responsables bénévoles d’une efficace filière de passages clandestins en Espagne. Il fit notamment franchir la frontière à Jules Moch, avec qui il eut l’occasion, dans ces années de lutte clandestine, de nouer des liens étroits. Il assura également le passage d’un frère du général Giraud, celui de l’épouse d’un Rothschild, et, aussi, celui de son propre neveu qui put ainsi s’engager dans les F.F.L. Sollicité par Marcel Mayneris, Edmond Barde accepta de prendre en charge Pietro Nenni* (dirigeant socialiste italien, journaliste, réfugié en France depuis 1926) et sa famille pour lesquels il trouva, à Palalda et à proximité de son propre domicile, une spacieuse villa. Edmond Barde et son épouse furent toujours très attentionnés à l’égard de la famille Nenni avec qui ils nouèrent des liens d’amitié. L’Italien qui résida à Palalda jusqu’à son expulsion des Pyrénées-Orientales à la fin du mois de 1942 parle d’Edmond Barde dans son Journal en le désignant par le nom de « Barthe ». Le témoignage de P. Nenni nous donne quelques indications sur l’activité résistante d’Edmond Barde et de ses camarades de Palalda et d’Amélie-les-Bains. Nous apprenons ainsi qu’ils écoutaient attentivement les émissions de la radio de Londres.

 

Toujours en contact avec Marcel Mayneris, il intégra les rangs de «  Libération », alors que, dans un premier temps, il aurait pu militer, dès 1941, à « Combat », comme beaucoup de ses amis socialistes de Céret. Il devint le chef des M.U.R. pour l’arrondissement de Céret, Jean Jorda, un autre militant de la S.F.I.O., étant son adjoint. À la fin du mois de janvier 1944, alors que le responsable de l’A.S. pour l’arrondissement de Céret était Pierre Mau, fut mise en place une structure unitaire pour ce même secteur (qui rassembla également le Front national et le P.C.), le « Comité d’entente de la résistance cérétane » qui devait également déboucher sur la création d’un maquis, lui aussi unitaire, le « Maquis 44 », implanté dans les communes de Saint-Marsal et de Prunet-et-Bellpuig. En tant que responsable politique du M.L.N. dans l’arrondissement de Céret, Edmond Barde prit, en juin 1944, la direction du groupe de l’A.S. qui attendait dans la clandestinité le jour de la Libération pour réorganiser les pouvoirs publics, notamment ceux du chef-lieu de l’arrondissement, alors qu’un autre groupe s’installait au mas Cremat (commune de Prunet-et-Bellpuig), lieu de regroupement du « Maquis 44 ». Ainsi qu’on peut le voir sur une photographie exceptionnelle, publiée en 1998 par R. Gual et J. Larrieu, Edmond Barde assista, peu de temps après la Libération, au banquet de la victoire du « Maquis 44 » qui eut lieu au Mas Cremat. Entre temps, le 19 août 1944, après l’accrochage d’une colonne allemande par le « Maquis 44 », à proximité de Céret, la ville avait été libérée. Le sous-préfet vichyste, Peretti Della Roca avait entre temps franchi la frontière au Perthus. Edmond Barde s’installa à la sous-préfecture. Délégué du Commissaire de la République à Céret, il fut pendant quelques jours le sous-préfet d’un arrondissement stratégique, car frontalier avec l’Espagne franquiste sur plus de 80 km. À la Libération, Edmond Barde reprit contact avec ses camarades de parti, Louis Noguères et Marcel Mayneris notamment. En mars 1945, il était à Paris, ainsi que nous l’apprend une lettre de Pietro Nenni, secrétaire général du P.S.I. en voyage officiel en France, à Marcel Mayneris (Marseille, 16 mars 1945). L’Italien l’avait invité en 1942, lui et sa femme à se rendre à Rome après la fin de la guerre. Le neveu d’Edmond Barde a confirmé que son oncle et sa tante purent se rendre en Italie où ils furent chaleureusement reçus par Pietro Nenni, devenu un parlementaire respecté qui, dès 1945, avait occupé des postes ministériels.

 

Edmond Barde continua de militer dans les rangs du Parti socialiste S.F.I.O. Il fut l’un des fidèles soutiens du député-maire de Thuir, président du conseil général des Pyrénées-Orientales. Il l’appuya fermement dans le conflit qui l’opposa à Arthur Conte. La fédération départementale de la S.F.I.O. fut ébranlée par les luttes qui opposèrent les deux hommes. Elle atteignit son paroxysme en 1950-1951. Louis Noguères réussit à faire exclure Arthur Conte en mai 1950, en prenant pour prétexte la reparution du quotidien perpignanais L’Indépendant, dont la publication avait été interrompue à la Libération et remplacée, sous l’égide du C.D.L., par celle du Républicain du Midi. Edmond Barde devint, en septembre 1950, le trésorier de la fédération « officielle » reconstituée, dirigée par Louis Noguères et opposée à la fédération « dissidente » à la dévotion d’Arthur Conte. Ces deux fédérations se réconcilièrent et fusionnèrent, lors d’un congrès de « regroupement socialiste » (10 mars 1952) qui permit la   réintégration des « dissidents ». Edmond Barde entra au conseil municipal d’Amélie-les-Bains-Palalda (les deux communes avaient été fusionnées autoritairement par Vichy le 1e octobre 1942) le 17 décembre 1950, à la suite d’un renouvellement partiel provoqué par le décès du maire, Georges Bosch, et d’un conseiller municipal, Albert Fort. Le 23 janvier 1951, le décès du maire (S.F.I.O.), Jean Trescases, provoqua un remaniement de l’équipe municipale. Deux socialistes s’opposèrent pour accéder au poste de maire : Gustave Pouzens et Edmond Barde. Trois tours de scrutin furent nécessaires pour les départager. Au 1er tour, tous deux obtinrent 9 suffrages. Au second, Pouzens recueillit 10 voix alors qu’E. Barde en obtenait 7. Le troisième scrutin de l’assemblée municipale fut tout aussi serré, mais il permit à Gutave Pouzens de l’emporter avec 11 voix contre 9 à Edmond Barde. L’élection du second adjoint qui suivit permit à Edmond Barde d’accéder à cette fonction, dès le premier tour, avec 10 voix contre 2 à Berdaguer et 6 abstentions. Le décès, le 5 septembre 1951, du 1er adjoint Sylvestre Dublois, permit, le 16 septembre, à Edmond Barde de le remplacer à ce poste. Le 14 février 1952, à la suite de nouvelles élections complémentaires, Paul Alduy, récemment élu au conseil municipal, devint maire d’Amélie-les-Bains-Palalda. Edmond Barde demeura 1er adjoint de la commune. Le 10 mai 1953, fut installé le conseil municipal issu du scrutin des 26 avril et 3 mai 1953. Si tous les socialistes améliens du précédent conseil étaient réélus, Edmond Barde qui ne s’était pas représenté ne figurait plus dans l’équipe conduite par Paul Alduy, la nouvelle étoile montante de la politique départementale. Edmond Barde était médaillé de la résistance française.

 

SOURCES : A.D.P.O., série M, versement du cabinet du préfet des P.O. (11 septembre 1951), liasse 177 (P.C. et S.F.I.O., 1934), annexes au rapport au ministre de l’Intérieur — Arch. Com. Amélie-les-Bains-Palalda, registre de l’état civil et des délibérations du conseil municipal — BALENT André ,DBMOF, « Bardes », XVIII, 1982, p. 125, « Grau Senen et Grau Émile », XXX, 1987, p. 253, « Jorda Jean », XXXII, pp. 248-250, « Mau Pierre, François », XXXVI, 1990, pp. 105-106, « Matheu Férréol, André », XXXVI, 1990, pp. 76-77 — BALENT André, « Du Front populaire à la Résistance. L’itinéraire d’un militant perpignanais : Marcel Mayneris (1899-1993) », Études Roussillonnaises, XVI, Canet, 1998, pp. 165- 191 -BALENT André, « Le séjour de Pietro Nenni (1891- 1980) dans les Pyrénées-Orientales (1940-1942) », Études Roussillonnaises, XVII, Canet, 1999, pp. 143-159 — BERNIS Roger, Roussillon politique. Du réséda à la rose… 1- Le temps de Quatrième (1944-1958), Privat, Toulouse, 1984 — CAILLIS Jean-Jacques, Mon village dans le siècle (Amélie-les-Bains-Palalda) 1880-1999, Créatech, Amélie-les-Bains, 2000 — GUAL Ramon, LARRIEU Jean, Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane, Tome II b, Prades, 1998 — NENNI Pietro, Taccuino 1942, Ed. Avanti !, Milan, 1955, traduit en français (NENNI Pietro, Vingt ans de fascisme. De Rome à Vichy, François Maspero, Paris, 1960) — Entretiens avec : Edmond Barde (neveu et homonyme d’Edmond Barde) et son épouse, née Bouix, (Palalda 7 janvier 1998) ; Jean-Louis Coste, libraire retraité à Perpignan, neveu de Jean Coste, résistant socialiste céretan et ami d’Edmond Barde (Latour-de-Carol, 30 décembre 1997) — Renseignements communiqués par les services de l’état civil d’Amélie-les-Bains-Palalda, 17 avril 1998.

                                                                                                                        André Balent